- Synopsis:
Il est professeur de philosophie, elle est coiffeuse.
Contraint de quitter la capitale pour enseigner à Arras, le premier rencontre la seconde sans vraiment la remarquer.
Langage, goûts, références…tout les oppose, et pourtant, elle devient son amante. Le mépris et l’ennui se profilent à l’horizon, mais qui croit mener le jeu peut être bien joué.
Une réflexion drôle et mélancolique qui décortique le choix amoureux, le racisme des sentiments et l’absurde de l’amour.
- Mon avis:
14ème livre de ma liste de 30.
J’arrive à la fin de ce livre après l’avoir commencé il y a trois mois, puis lu par intermittence avant le reprendre pour enfin le terminer.
Rien de plus éprouvant que de finir un livre dont on a déploré pendant toute la lecture l’absence d’intérêt totale pour l’histoire.
Tel a été mon cas pour ce livre que je n’ai pas aimé decouvrir.
Tout est dit sur la 4ème de couv’ alors inutile que je vous en fasse le résumé.
Qu’ai-je aimé du livre?
Euh….pas grand chose en y réfléchissant. Quoique la fraîcheur et la simplicité de Jennifer apporte une brise attendrissante à cette histoire.
Qu’ai-je détesté?
Tout! La suffisance du protagoniste, Francois Clément, sorte de bobo parisien qui atterrit à Arras dans le Nord suite à une mutation non souhaitée. Forcément. Le monsieur est célibataire et sans « charge de famille » : avoir ce statut à l’Education nationale est fatal pour ceux qui en subissent les conséquences.
Francois fait donc parti de ces dommages non collatéraux. Autant dire que cela ne le met pas dans les bonnes dispositions pour apprécier la ville dont il dénigre chaque détail; y compris ses habitants.
Francois Clément, professeur de Philosophie, aimant le beau et les fastes de la capitale, clame son élitisme et rejette alors Arras, qui n’est pas digne de sa condition supérieure de lettré. Il s’y meurt d’ennui, sauf quand il rentre à Paris. Évidemment.
Alors pour passer cet état végétatif, Francois se rend régulièrement dans le salon de coiffure du bourg où il s’entiche d’une des coiffeuses, Jennifer, qui lui est en tous points, opposée. Malgré leurs « différences », Francois recherche et apprécie la compagnie de Jennifer tout en dépréciant, pointant du doigt son manque de culture, son manque de classe, son manque d’ambition à rester vivre à Arras.
Francois fréquente Jennifer davantage pour passer le temps que par amour pour la jeune femme. Il aime les femmes lorsqu’il ne les possède pas mais s’en désintéresse aussitôt la relation établie. Alors il tergiverse dans ses sentiments. Il n’est pas homme à n’aimer qu’une seule femme.
Loin de ces tortures intellectuelles, Jennifer, charmante coiffeuse blonde décolorée, mène une vie simple et se satisfait de celle-ci, entre son métier qu’elle adore, sa situation de mère divorcée et célibataire, l’astrologie et les magazines people. Tout le contraire des lectures philosophiques de Francois. Elle « qui (selon Francois) a toutes les qualités » ne sera jamais suffisamment bien pour un homme comme lui. Pas pour un homme de sa condition car il » ne se voit pas la présenter à ses parents ». Et l’homme sait ce qu’il ne veut pas chez une femme. Et il ne veut pas Jennifer.
Pourtant, lorsque celle-ci se rend compte de la distance que maintient volontairement Francois dans leur relation, il va réaliser qu’elle lui manque. Est-ce de l’amour pour autant? Non. Elle est juste ce trait d’union qui manque à sa routine arrageoise.
Je n’ai pas aimé la suffisance outrancière de Francois. Je reconnais cependant la belle plume de l’auteur qui a réussi à nous rendre le personnage de Francois totalement antipathique, muré dans un égocentrisme exacerbé et amplifié par une écriture dont le style m’ a semblé lourd. Les phrase sont volontairement très longues. Trop longues. Probablement pour accentuer davantage l’insignifiance de la pensée de Francois, rétrograde dans sa relation avec Jennifer. Il intellectualise tout et se prive volontiers d’agir. Trop de tergiversations qui augmentent le désamour pour le personnage.
La seule qui tire son epingle du jeu (et heureusement qu’elle fait partie de cette histoire!) c’est Jennifer dont on admire le calme et la lucidité face à un homme qui ne la mérite pas finalement. Elle qui espérait avoir enfin trouvé un homme qui l’aime simplement. Mais celui-ci « fait des manières ». On la sent volontaire dans la relation qu’elle tente d’entretenir avec lui car elle aimer l’écouter quand il lui fait la lecture. Mais lui ne dévêt pas de son nombrilisme.
J’ai trouvé assommantes les circonvolutions intellectuelles sans fin de Francois et ce coté profondément pédant, très narcissique, prenant le pas sur l’homme intellectuel et intéressant qu’il pourrait être. Cet égocentrisme le prive du bonheur. Bien qu’il en prenne conscience, il maintient ses positions et ses attitudes confirment que deux mondes si différents ne peuvent se lier.
L’apparence est privilégié à l’amour et la superficialité de l’homme est mis en exergue face à la profondeur des sentiments de Jennifer. Francois est un orphelin de l’amour car formaté par des diktats sociétaux qui le rendent détestable. Philippe Villain décrit avec une parfaite exactitude la propension de l’homme à se cacher derrière des conventions plutôt que d’agir selon son livre arbitre.
Aimer sans être aimé en retour permet d’avancer et c’est, je pense la leçon retenue par Jennifer de sa relation avec Francois qui l’a grandie. Elle peut désormais prétendre à autre chose et sait que Francois ne fera pas son bonheur. Sans illusion, ce livre dépeint avec réalisme la cruauté du sentiment amoureux lorsqu’il n’est pas partagé et si l’on va plus loin, cette histoire atteste du clivage cliché de deux mondes qui ne se mélangent pas. De même, on ne peut taire le regard dédaigneux et prétentieux du Parisien, cultivé, bourgeois qui se pense supérieur au provincial inculte, sans ambition. Ce livre n’a pas le happy-end que l’on attend sauf pour Jennifer qui, de chenille se transforme en chrysalide. On aurait aimé voir l’envol du papillon mais dommage que son personnage ne soit pas davantage analysé comme l’est celui de Francois.
- Une citation:
» les femmes attendent des certitudes, des preuves d’amour car la sexualité ne leur suffit pas; elles craignent d’être lésées, de se donner pour rien, comme elles disent, sans contrepartie de sentiments; plus les femmes se sentent aimées plus elles desirent, et plus elles desirent plus elles aiment. »